Les aventures du visa cambodgien.

FirminJournal de bord2 Comments

Notre visa cambodgien arrive au bout. Dans trois jours en effet, nous ne serons plus à même de rouler dans le pays. Deux solutions s’offrent à nous : envoyer nos passeports à Phnom Penh, ce qui nous reviendrait à 65 dollars par personne, ou alors sortir du pays et y entrer à nouveau dans la foulée pour la modique somme de 35 dollars. L’absurdité des visas dans toute sa splendeur.

Comme tous les moyens sont bons pour limiter l’hémorragie de notre tirelire, Robin et moi optons pour la deuxième solution. Arlen, quant à lui, se débrouillera de son côté : il est allé retrouver sa mère à Siem Reap, venue tout droit du Canada pour lui rendre une petite visite.

Comme la frontière avec la Thaïlande est tout de même à 120 kilomètres, ça va être compliqué de faire l’aller-retour en une journée à vélo. Nous filons donc à la première agence de location de scooters pour quitter la ville quelques instants plus tard sur deux petits 125 centimètres-cube.

La route nous paraît complètement saccagée par les nids de poules et les déformations de chaussée. Probablement que si nous l’avions faite à vélo, à une vitesse bien moindre, elle nous aurait au contraire paru comme neuve. La perception est tellement différente, en roulant à 20 ou à 80 kilomètres à l’heure ! C’est en voyant défiler à toute allure le paysage que j’en viens à me dire qu’il n’y a réellement pas mieux que le vélo pour voyager. Certes, nous atteignons la frontière après à peine 2 heures de route, mais en ayant retenu quoi ? Pas une fois nous ne nous sommes arrêtés pour prendre le temps de visiter un temple, ou pour profiter d’une vue prenante. Non pas que ce soit impossible bien sûr, mais le rythme effréné d’un véhicule motorisé s’y prête indéniablement moins.

Une fois arrivés à la frontière de Phsar Prum, nous déposons nos scooters du côté cambodgien pour tenter de passer en marchant et de mener notre mission à bien en mettant toutes les chances de notre côté. Pas de véhicule, pas d’emmerde.

C’est donc à pied, sans aucune affaire en dehors de notre passeport et d’un peu d’argent, que nous nous présentons au guichet des départs. Nous informons le douanier de nos intentions de sortir du pays et d’y revenir aussitôt, ce qui lui vaut un haussement d’épaule semblant vouloir dire : « Up to you, guys… ».

Première étape franchie, nous nous dirigeons vers le guichet « Arrivals » de Thaïlande. C’est là que les choses se corsent. Le douanier, dont la mission principale est probablement d’occuper ses journées à embêter les gens, comprend rapidement notre intention et ne semble pas très ouvert à toute forme de coopération.

« Don’t come back before tomorrow.
– But… we have all our stuffs on the other side, in Cambodia ! lui supplie-je avec un soupçon de comédie dans la voix.
– I don’t care. It’s the law. »

Dans ce cas de figure, il faut réagir bien, et surtout naturellement. Hors de question de rester coincés ici sans rien avec nous et avec nos scooters parqués dans la rue, de l’autre côté de la frontière. Robin feint d’être pris complètement au dépourvu, alors que de mon côté, je me prends la tête dans les mains, comme arrivé au bout de ma vie. Qu’ai-je fait pour mériter cela ? Comment allons-nous en sortir ? Reverrai-je un jour mes amis, mes parents ?

« Ok, entends-je alors le douanier concéder. Come back in three hours. »

Ah ? Je relève la tête, en tentant de cacher mon sourire de satisfaction. Bingo !

Nous prenons donc à la hâte congé de notre douanier soudain devenu presque sympathique pour s’installer sur un banc du côté thaïlandais. Ici, nous attendons sagement – et bêtement – trois heures, en s’occupant comme peut s’occuper un humain du XXIème siècle sans chargeur de téléphone et avec une batterie à plat. On regarde les cailloux, on chasse les moustiques, on tente de roupiller, on compte les voitures dans le parking. Il y a en 34. Ou 35 peut-être, je ne suis pas sûr. Tiens, je vais recompter.

Stupides visas à la con, vraiment.

L’heure venue, nous nous représentons au guichet thaïlandais, du côté « Departure », cette fois. Du velours dans la voix, nous parvenons à expliquer notre cas à un nouveau douanier, et à notre grande surprise, celui-ci est d’une humeur formidable, et nous laisse sortir du pays sans aucun problème.

Du côté cambodgien aussi, on nous accueille avec le sourire et même quelques blagues aussi sympathiques qu’inattendues. Une demi-heure plus tard, nous sommes à nouveau sur nos petits scooters, soulagés et avec un beau nouveau tampon tout neuf dans notre visa ! On l’a fait !

On a nos visas !

« Attends, me fait remarquer Robin alors que nous nous imaginons déjà à trinquer à cette journée si bien terminée. On n’est pas encore à Battambang ! »

Car oui, 120 kilomètres nous attendent pour pouvoir rentrer à la maison – celle de Giulia, qui nous sert de logis depuis près de deux semaines -.

Et puis, ça ne pouvait pas finir aussi bien, non ?

Une heure après avoir quitté la frontière, perdu dans mes pensées, je remarque soudain que je fais cavalier seul : Robin n’est plus dans mon rétroviseur. Je m’arrête alors, attends un moment et, ne le voyant pas arriver, entreprends un demi-tour avant de rebrousser chemin à toute allure.

Je le retrouve quelques instants plus tard, arrêté au bord de la route, l’air amusé et impuissant en même temps.

« Alors, qu’est-ce que tu fous ? lui lance-je, pas certain de vraiment vouloir connaître la réponse.
– Je crois que y a la courroie qui a lâché, mec.
– Oh, t’es pas sérieux… »

Bon, bah on n’est pas encore arrivés.

Nous voilà donc à dix kilomètre à l’heure sur le bas-côté de la route, Robin accroché derrière mon scooter, à rouler jusqu’à tomber sur un garage. Et dire qu’il nous reste 80 kilomètres jusqu’à Battambang…

Robin, accroché au scooter de Firmin.

Nous tombons rapidement sur un petit « garage » de campagne, qui nous répare le scooter en un peu plus d’une heure.

Le garage salvateur !

Le scooter en réparation.

 

Suffisant pour que la nuit tombe et pour que puissions vivre l’un des trajets les plus dangereux et en même temps insolites et amusants de notre vie. Bien sûr, pour ajouter un peu de piquant à l’histoire, il a fallu qu’on nous refile des scooters sans lumière avant pour Robin ni lumière arrière pour moi. La formation du convoi est donc toute trouvée : moi devant, faisant office de phare avant, et Robin derrière, tenant le rôle phare arrière.

La route nous paraît encore plus défoncée de ce côté, la circulation est dantesque, le faisceau de mon phare n’éclaire pas à plus de quelques mètres, et tout freinage de ma part est rendu dangereux par l’absence de témoin lumineux, sachant que Robin me colle juste derrière pour pouvoir y voir quelque chose.

Rouler de nuit au Cambodge, c’est l’aventure !

On finit tout de même par arriver à bon port, épuisés et contents d’être encore en seul morceau. Sacrée journée, une fois de plus. Hâte de savoir ce que nous réservent ces 30 prochains jours au Cambodge !

Auteur

Firmin

Ingénieur de 26, je ne suis pas uniquement passionné par les watts et la technologie. Ecriture, musique, voyages et sushis font partie des choses qui me parlent, entre autres.

 

 

 

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